Le convoi de l'eau, de Akira Yoshimura

4ème de couverture

"Un homme étrange s'engage au sein d'une équipe chargée de construire un barrage en haute montagne. Perdu dans la brume, tout au fond d'une vallée mal connue, se révèlent les contours d'un hameau, mais les travaux ne sont pas remis en question par cette découverte : le village sera englouti sous les eaux.

Au cours de ce terrible chantier, le destin de cet homme entre en résonance avec celui de la petite communauté condamnée à l'exil. A la veille du départ qui leur est imposé, il observe les premières silhouettes alignées sur le sentier escarpé. Elles sont innombrables et portent sur leur dos un singulier fardeau."

Mes impressions

Un récit étrange et magnifique, plein de poésie et de douleur, porté par la prose de Yoshimura. Son style, quoi que très austère, est néanmoins très agréable à lire, poétique et sensuel. Il décrit magnifiquement la forêt mystérieuse, qu'on imagine sombre, humide et habitée par les esprits de la terre, de l'eau et des morts. C'est beau comme du Miazaki...

Ce roman est tout d'abord le portrait ambigu du narrateur, qui est à la fois un assassin hanté par son passé et l'ouvrier qui apparait comme le plus humain, le seul qui soit vraiment touché par le drame qui se déroule sous ses yeux, dans le village qui sera englouti. Cette empathie (grâce à laquelle le narrateur trouve finalement l'apaisement, comme lavé de ses erreurs passées par le convoi de l'eau) tient essentiellement au fait que, malgré l'apparent fossé qui sépare le narrateur et les villageois, tous sont liés par le poids du passé, du silence et de la mort.

La mort est en effet un élément omniprésent dans le roman et il semblerait que ce soit l'un des thèmes chers à Yoshimura, thème qui figure également dans La jeune fille suppliciée sur une étagère et Le sourire des pierres.

Mais ce roman est également une illustration des assauts de la civilisation contre la nature, du choc des cultures. Une sorte de fable dans laquelle la civilisation industrielle conquérante (voire envahissante), viole, souille et dynamite le cadre magnifique de la vallée sauvage et tente de réduire à néant la civilisation ancestrale des villageois.

L'issue de ce combat est incertaine et, arrivée à la 174ème page, je me suis longuement interrogée sur qui est le véritable vainqueur : les ouvriers qui sont parvenus à leurs fins ? Ou bien les montagnards qui tournent définitivement le dos au monde moderne qu'ils ne connaissent pas et emportent avec eux leurs traditions ancestrales intactes ?

 "Je distinguais nettement le flot blanc. La procession ne se dirigeait pas vers le monde civilisé, elle s'enfonçait davantage dans les profondeurs de la montagne. Sur les sommets, la neige arrivait jusqu'à elle, étincelant tout autour. Et elle s'y enfonçait, comme aspirée par sa blancheur. [...] En un point au milieu des pics, signalant peut être l'arrivée de la neige, jaillissaient des nuages blancs. Des nuages qui s'étendaient rapidement entre les sommets. La coulée blanche, comme aspirée par ces nuages dans lesquels elle se fondait, disparut bientôt, comme effacée du monde."

Editions Actes Sud (janvier 2009)
175 pages
Traduction par Yutaka Makino

Ce livre fait partie du challenge ABC 2011 et du challenge In the mood for Japan.

 

Comments

[zazy]

Ce livre est un très très beau souvenir

[Jana]

@ Philippe D et Livresque : je vous le recommande vraiment !
@ Mimi54 : c'est vrai qu'il est à la fois étrange et très poétique.
@ Choco : Merci, ça me touche beaucoup ! !

[Choco]

Beau billet qui donne envie !

[Livresque]

J'ajoute ce livre à ma wish list! De l'auteur, j'ai lu "La jeune fille suppliciée sur une étagère" où il est question de mort également. J'avais beaucoup aimé :)

[mimi54]

j'ai aussi beaucoup aimé ce livre, étrange.
Le vocabulaire de l'eau et la couleur verte m'avaient beaucoup interpellée