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Jeux de mots et de mains
3 mars 2011

La répudiée, d'Eliette Abécassis (2000)

Résumé 4ème de couverture :

"Au premier regard, Rachel a aimé Nathan, le mari qu'on lui destinait. Et c'est avec bonheur qu'elle a accepté son destin de femme pieuse dans ce quartier de traditionaliste de Méa Shéarim, à Jérusalem où elle a grandi.

Mais au fil des années se dessine le drame qui la brisera : le couple n'a pas d'enfant. Et la loi hassidique donne au mari, au bout de 10 ans, la possibilité de répudier la femme stérile. Comment Rachel accepte le verdict en silence, alors même qu'elle sait n'être pas en cause, c'est ce que nous conte la romancière de Qumran dans ce livre intimiste et dépouillé. Un bouleversant roman d'amour qui a été le point de départ du film d'Amos Gitaï, Kaddosch."


La_r_pudi_e___couvMes impressions :

Ce court récit m'a plongée dans un univers que je connaissais très mal : le quartier de Méa Shéarim, où vit en autarcie la communauté juive ultra-orthodoxe de Jérusalem, et qui constitue pour ainsi dire une ville dans la ville. La vie des habitants semble s'écouler hors du temps, loin de l'agitation de la vie moderne, uniquement rythmée par les rites religieux, par les prières et par le chant des Hassidim. Chaque être occupe une place immuable, quasiment prédestinée : les enfants grandissent dans une famille nombreuse ; les jeunes hommes  étudient le Talmud et les textes sacrés à la yeshiva, occupation la plus noble qui soit ; les jeunes filles sont préparées à leur future vie d'épouse ; un mariage est arrangé (les plus chanceuses, comme Rachel, tombent amoureuses du mari qu'on leur a choisi ; les moins chanceuses acceptent avec résignation le sort qui est le leur) ; toutes gèrent les affaires domestiques, deviennent mères de famille nombreuse et perpétuent ainsi la tradition, si pesante soit elle.

Pesante... L'adjectif est faible ! On devrait plutôt dire oppressante, voire tyrannique. Car les coutumes, la stricte observance des rites religieux décrits dans les textes sacrés, régissent chaque instant de la vie quotidienne, même les plus intimes. A chaque question qui se pose, les textes apportent une réponse.

 Face à la toute puissance des textes et à la pression sociale qui en découle, l'homme n'est que peu de choses : privé de son libre arbitre, il ne peut ni agir selon son cœur (ou selon sa raison), ni choisir sa propre destinée.

Quant à ceux qui contestent les traditions, choisissent simplement de suivre leur cœur et de s'affranchir de l'oppression des règles hassidiques, leur liberté a un goût amer : le goût du scandale et de l'opprobre, de l'exclusion par la communauté et de la solitude, de la difficulté de vivre dans un monde nouveau, totalement différent de celui qu'ils ont toujours connu.

Un texte très instructif mais glaçant d'effroi par l'évocation d'une société théocratique et tyrannique.

Mais ce texte est également une belle histoire d'amour contrarié, racontée à la première personne par Rachel, jamais gnangnan et toujours touchante. Un amour contenu, mais brûlant et douloureux. Dont on espère qu'il sera plus fort que le poids des traditions...

"Mur, Ô Mur : ai-je dit. Voici ma prière. Et toi, mon Dieu, écoute, va, ma main est sur toi. Tu vois, ici il y a un homme. Cet homme n'est pas plus beau qu'un autre. Il n'est pas plus intelligent ni plus riche. Cet homme est ton étudiant et il s'appelle Nathan. Et cet homme qui n'est ni plus beau, ni plus intelligent, ni plus riche que les autres, c'est l'homme que tu m'as donné. Et cet homme, je l'ai aimé. S'il te plaît, ne me le retire pas. Ne me l'enlève pas. Ou je mourrai."

"Notre mère dit que lorsqu'un renard est pris dans un piège, il se coupe la patte avec ses dents pour s'en sortir. Mais je ne peux pas le perdre. Je ne peux pas me séparer de lui. Je vais le voir. Je l'épie. Je suis là à la sortie de la synagogue. Je me poste devant ses fenêtres, mes fenêtres. Je regarde les ombres car je suis une ombre. Je me glisse dans la nuit indéfiniment. J'erre dans les rues de Méa Shéarim, sans but. Je n'ai plus de maison. Je n'ai plus personne. Mon corps me fait mal tant je pense à lui. Il me manque, oui, et il me manque dans ma chair. Je le désire et ce désir me brûle la peau."

 Éditions Le livre de poche (2002)
125 pages

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Commentaires
P
Ainsi nous n'avons pas que l'amour des livres en commun, nous avons aussi celui des voyages.<br /> Une vie, c'est beaucoup trop court. Comme le chante Fugain "même en 100 ans, je n'aurai pas le temps, de tout faire, de visiter toute l'immensité d'un si grand univers".<br /> Je suis en congé. Ouf!<br /> Passe un bon weekend.
P
Voilà un livre que je ne connais pas du tout mais qui est sans doute intéressant. On n'imagine pas toujours qu'ailleurs les gens vivent autrement et que pour nous, occidentaux, certaines pratiques sont inimaginables.<br /> Bonne soirée.
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