American Psycho, de Bret Easton Ellis (1991)
Résumé
Patrick Bateman, 26 ans, est l'archétype des brillants golden boys de Wall Street : il gagne bien sa vie (même si on ne le voit jamais travailler), dilapide son argent en achats "bling bling" et en sortie dans les restaurants et les clubs les plus huppés, fréquente uniquement les jeunes loups aux dents longues de son espèce et couche avec les jolies filles de New York; Il est littéralement obsédé par son apparence et par les signes extérieurs de richesse, et ne dédaigne ni les verres d'alcool ni les rails de cocaïne...
Un gars superficiel parmi tant d'autres en somme, emblématique d'une époque qui glorifie la réussite, l'argent et l'apparence. "Un brave garçon sans histoire", comme le décrit Evelyn, sa petite amie officielle.
Sauf que, parfois, Patrick dérape et ne résiste pas à l'envie de torturer puis massacrer des animaux, des sans-abris, des femmes...
Mes impressions
Cette lecture m'a fait globalement la même impression que les montagnes russes : des moments d'enthousiasme devant certains épisodes captivants, des sueurs froides lors des passages de tension, la nausée face à certaines scènes particulièrement éprouvantes, une certaine peur devant l'horreur qui va crescendo. Si vous avez l'âme sensible ou l'estomac fragile, passez votre chemin.
Car l'auteur ne nous épargne rien : ni la drogue, ni la pornographie, ni la plongée dans l'esprit détraqué et délirant de Bateman (le roman est en fait son journal), ni la crudité du langage, ni la description minutieuse et insoutenable des sévices que Patrick inflige à ses victimes. C'est extrêmement violent et choquant.
Pourtant, cette violence n'est pas gratuite. Bret Easton Ellis dresse en fait le portrait sans concession d'une génération pourrie, totalement déshumanisée par le fric et la société de consommation.
On ne saura jamais si la société a fait un monstre de Patrick Bateman ou s'il a toujours été cynique, insensible et violent. Mais ce qui est sûr est que cette société a créé le cadre parfait qui lui permet de sévir en toute impunité. Les relations humaines n'existent pas, seul le vernis que donnent l'apparence et le statut social sont pris en compte. Les hommes ne sont plus des être humains mais de simples porte-manteaux de luxe, tous semblables et tous interchangeables. Les longues descriptions de marque de vêtements (qui sont parfois assez fastidieuses) en sont l'illustration parfaite. L'échelle des valeurs est totalement inversée et il est à la fois risible et effarant de constater que Bateman puisse décapiter quelqu'un sans sourciller, mais que la seule idée de ne pas avoir un teint parfait ou la dernière cravate à la mode le mette au supplice ! Mais si le personnage de Patrick atteint le paroxysme de cette folie ambiante, les autres protagonistes ne sont pas épargnés : absolument tout l'entourage du tueur est d'une superficialité consternante et, soit drogué, soit dépressif, soit cynique (voire les trois en même temps).
"Je possédais tous les attributs d'un être humain - la chair, le sang, la peau, les cheveux - , mais ma dépersonnalisation était si profonde, avait été menée si loin, que ma capacité normale à ressentir de la compassion avait été annihilée, lentement, consciencieusement effacée. Je n'étais qu'une imitation, la grossière contrefaçon d'un être humain."
En cela, ce roman est dramatiquement noir et pessimiste : Patrick est un monstre au sens littéral, mais les autres ne valent guère mieux. Ils ne tuent pas sauvagement mais malgré tout, ce ne sont plus tout à fait des hommes... J'ai eu beau chercher, je n'en ai trouvé aucun qui m'ait inspiré la moindre sympathie ou le moindre attachement (hormis bien évidemment certaines victimes de Bateman et éventuellement Jean). Et le pire est que la morale du roman est justement qu'il n'en existe pas. J'ai attendu un genre de punition contre les crimes de Bateman ; j'ai espéré une révélation lors de certaines prises de conscience de sa part. En vain !
"Je réussis tant bien que mal à contenir ma fureur grâce à un Xanax et une Absolut on the rocks. Tout en pissant dans les lavabos, je fixe du regard une fine lézarde, juste au dessus de la poignée de la chasse d'eau, me disant que si, devenu minuscule tout à coup, je me glissais dans cette fente et disparaissais, personne, certainement, ne remarquerait mon absence. Personne... Tout le monde... s'en... foutrait. En fait, si quelqu'un remarquait mon absence, ce serait sans doute avec un étrange, un indéfinissable sentiment de soulagement. C'est vrai: le monde se porte mieux quand certaines personnes ont disparu. Nos vies ne sont pas liées les unes aux autres. Cette théorie est une foutaise. Il y a des gens qui n'ont simplement rien à faire ici."
En conclusion, un roman noir, hyper violent et hyper déprimant à lire une fois, à condition d'avoir le cœur bien accroché. Après, on aime ce roman ou on ne l'aime pas, mais en tout cas, il ne laisse pas indifférent.
Si vous voulez savoir si moi, je l'ai aimé ou pas ce livre, et bien je ne suis pas encore sûre de la réponse...
Vous pouvez également voir les avis de Voz', Lisalor, Nanet, Petitepom, Pitivier.
Éditions Points (novembre 2001)
513 pages
Traduction de l'américain par Alain Defossé.
Ce roman fait partie du challenge ABC 2011.