La tempête des gazelles, de Yachar Kemal

4ème de couverture

 "L'ile fourmi, sur la mer Égée, est un îlot paradisiaque mais désert depuis que la population grecque a été chassée après la Première guerre mondiale. Peu à peu, de nouveaux arrivants débarquent, groupes bigarrés venus de tous les coins de l'ancien Empire ottoman. Tous ces migrants portent en eux le goût pour l'aventure mais aussi les traumatismes et les cauchemars engendrés par les conflits armés. Chacun d'entre eux tente de recréer une patrie sur ce morceau de terre, tandis que des millions de fugitifs errent encore à travers l'Anatolie.

Le roman s'ouvre sur l'arrivée d'un inconnu à la recherche de Poyraz Musa et qui semble vouloir le tuer... Au fil du texte, de nombreux personnages apparaissent, de toutes origines et confessions, formant une véritable arche de Noé d'une humanité rescapée. Ils apprendront à se connaitre, et formeront peu à peu, dans un irrépressible besoin de fraternité, une sorte de conjuration amenée à subir de dures épreuves."

Éditions Gallimard (novembre 2010)
625 pages
Traduit du Turc par Alfred Depeyrat

Mes impressions

Années 1920, les traités de Sèvres et de Lausanne conclus après la défaite de l'empire ottoman lors de la Première guerre mondiale redessinent le visage de la Turquie et ont pour conséquence la migration forcée de millions de personnes. Nombreux sont ceux qui doivent quitter la terre où ils sont nés et ont toujours vécu, pour affronter l'inconnu.
A travers le parcours des réfugiés qui finissent par trouver un abri sur l'île Fourmi, Yachar Kemal immerge le lecteur dans la douleur de ceux qui ont perdu leur foyer et leur identité, qui ont vu leur famille se disloquer et qui errent à la recherche  d'une nouvelle vie. Il nous fait voyager aux quatre coins de l'empire ottoman, de la Crête à l'Arménie en passant par la Grèce et l'Anatolie. Il nous rappelle également les stigmates de la guerre et les séquelles qu'elle inscrit dans l'âme des survivants...

Et ce récit ne m'a pas laissée indifférente. La grande force du récit de Kemal est de s'attacher en particulier à certains parcours absolument bouleversants et je dois dire que j'ai été particulièrement touchée par  nombre d'entre eux : Lena et surtout Sultane qui attendent avec patience le retour leurs fils disparus au front, Cemil le vétérinaire qui erre seul parmi les ruines de Van, qui a arpenté l'Arménie et l'Anatolie à la recherche de ses parents et de sa fiancée et qui trouve finalement un havre de paix sur l'ile...

Grâce au style très "oral" de Yachar Kemal, à l'humanité qu'il a insufflé à ses protagonistes, mais aussi au réalisme des descriptions et des situations (le lyrisme de la prose concernant l'ile tranche avec la violence des descriptions de guerre), j'ai littéralement été happée par le récit.

Un bémol cependant : j'ai trouvé que le rythme du récit assez irrégulier. D'un côté, l'errance des protagonistes m'a tenue en haleine. De l'autre, le temps sur l'ile semble comme figé, balisé par les mêmes actions qui se répètent invariablement (l'arrivée de nouveaux habitants, leur récit, les séances de pêche...). Et j'avoue avoir été légèrement déçue par le "faux" suspens lié à l'inconnu qui recherche Poyeaz Musa : dès les premières pages, il apporte une certaine tension dans la narration et crée une attente chez le lecteur (qui est cet homme? pourquoi pourchasse-t-il Poyraz ? Va-t-il le tuer ?...) Mais cette tension retombe très rapidement et il faut ensuite attendre près de 300 pages pour voir l'inconnu réapparaitre.

"Brusquement, la ville cessa de vivre. J'étais assis sur les rochers au pied des murailles, totalement pétrifié. Cette cité créée depuis la nuit des temps avait été dévastée par le feu, envahie, détruite, mais jamais elle n'avait été aussi déserte, et le spectacle d'une ville déserte vous brise le cœur."

Je tiens à adresser un grand merci aux éditions Gallimard et à BOB qui m'ont fait découvrir ce roman.

Comments

[Philippe D]

Tous mes voeux pour 2011. Je te souhaite beaucoup de moments de bonheur avec tes lectures notamment.