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Jeux de mots et de mains
28 novembre 2010

Les raisins de la colère, de John Steinbeck (1938)

coup_de_coeur

 Les_raisins_de_la_col_re___couvertureRésumé

Années 1930, Oklahoma.
Tom Joad vient de purger une peine de prison de 4 ans suite à un homicide involontaire et s'en retourne vers la ferme familiale, impatient de retrouver les siens. Mais il ne trouve que désolation :  la destruction des maigres récoltes par les tempêtes de poussière successives, les dettes et les difficultés financières liées à la grande dépression, combinées à la mécanisation à marche forcée des travaux agricoles, ont abouti à l'expropriation des petits exploitants agricoles. Le dernier espoir des expropriés : partir en Californie, avec l'espoir de trouver un emploi et de vivre décemment.

La famille Joad, partagée entre la peine de devoir quitter "la terre de ses pères" et l'espoir d'une vie meilleure, entame donc un long périple sur la route 66, à travers les grandes plaines de l'ouest, en direction d'une Californie mythifiée. Mais le voyage ne se fait pas sans difficulté. La dislocation de la famille commence avec la mort des grands-parents et le départ de Noah, l'un des frères de Tom. Et une certaine inquiétude commence à surgir lorsque les Joad croisent sur leur route des migrants qui retournent chez eux, n'ayant pas trouvé en Californie la terre promise qu'ils espéraient.

La famille Joad arrive finalement en Californie et réalise rapidement que, non seulement il n' y a pas assez de travail pour tous les immigrants et qu'elle devra vivre dans des conditions de vie effroyables, mais également que les "Okies" sont craints et haïs par les autochtones qui ne voient eux que des marginaux et des agitateurs potentiels.

Mais la famille Joad ne perd par espoir et, malgré la faim, la pauvreté et l'injustice, mobilise tout son courage pour essayer de s'en sortir...

 

Mes impressions

Écrire que j'ai aimé ce roman serait un euphémisme. J'ai trouvé dans ce livre une telle puissance, un tel souffle à la fois tragique et porteur d'espoir, que je ne peux que le qualifier de véritable chef d'œuvre.

 Steinbeck se penche sans complaisance sur l'Amérique des années 30 et dissèque avec réalisme le rêve américain, symbolisé par l'Eldorado que représente la Californie. Il s'engage en faveur des laissés pour compte de ce rêve, ces hommes dont la vie "vaut moins cher que le prix d'un cheval" et livre une véritable leçon de courage et de dignité à travers l'épopée des Joad, véritables héros des temps modernes.
Cette famille, qui représente à elle seule une étude sociologique, est porteuse d'une forte charge emblématique, à la fois symbol d'un monde qui meurt (le monde des petits paysans pauvres survivant grâce au travail et à la solidarité de la cellule familiale, représenté par les grands parents, premières victimes du voyage vers la Californie) et d'un nouveau monde qui nait : le monde des travailleurs, exploités par les prémisses du système capitaliste qui essaie de détruire leur humanité, pour les réduire à l'état de main d'œuvre corvéable à merci, et qui ne peut survivre que s'il est mobile et donc seul. Ce nouveau monde est représenté par la jeune génération : Connie, Al dans une moindre mesure...

Entre les deux, le lecteur assiste à l'émergence d'une nouvelle force sociale incarnée par le pasteur Casy puis par Tom, constituée de tous ceux qui refusent l'injustice sociale et revendiquent avec courage le droit de pouvoir travailler contre un salaire décent, de ne pas vivre dans un bidonville, de nourrir leurs enfants... Le droit de vivre comme des hommes ! Face à cette nouvelle force : la crainte et la haine des autochtones, inquiets de voir "les rouges" remettre en cause leur propriété et leurs "privilèges". Et c'est justement cette nouvelle force qui est porteuse d'un immense espoir collectif.

Mais au delà de cette étude sociologique et historique, Les raisins de la colère sont également un roman poignant et bouleversant, mais pudique et sans pathos, qui m'a profondément émue. Difficile de rester insensible aux péripéties de la famille Joad, dont Man constitue le cœur bienveillant et d'une force incroyable face à l'adversité ; à Tom et Casy dont la conscience sociale s'éveille ; à Rosaharn qui clôt le roman par une scène sublime de solidarité et de don de soi...

 

Quelques photos d'époque qui en disent plus long que tous les discours :

Temp_te_de_sable

Tempête de poussière, Oklahoma (1934-1936)

 


Une_ferme___vendre
Mise en vente d'une ferme en faillite (1933)


Okies
Okies sur la route 66 vers la Californie (1935)      



migration_vers_la_californie
Migrants (1935)


Chomeurs
Chômeurs (1935)


Dorothea_lange___Migrant_mother_1936
The migrant mother par Dorothea Lange (1936)


 

Dorothea_Lange_1

Nipomo, Calif. par Dorothea Lange (mars 1936)


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Coca cola baby bottle par Dorothea Lange (1939)

soupe_populaire
Soupe populaire (1936)

 


Extraits

"S’il a besoin d’un million d’arpents pour se sentir riche, à mon idée, c’est qu’il doit se sentir bougrement pauvre en dedans de lui, et s’il est si pauvre en dedans, c’est pas avec un million d’arpents qu’il se sentira plus riche, et c’est p’têt pour ça qu’il est déçu, c’est parce qu’il a beau faire, il n’arrive pas à se sentir plus riche… j’entends riche comme Madame Wilson, quand elle a donné sa tente pour Grand-père qu’était en train de mourir. C’est pas que je veux faire un prêche, mais j’ai encore jamais vu de type qu’ait passé son temps à ramasser et à entasser, et qu’ait pas été déçu au bout du compte."

"Ils avaient faim et ils devenaient enragés. Là où ils avaient espéré trouver un foyer, ils ne trouvaient que de la haine. Des Okies. Les propriétaires les détestaient parce qu'ils se savaient amollis par trop de bien-être, tandis que les Okies étaient forts, parce qu'ils étaient eux-mêmes gras et bien nourris, tandis que les Okies étaient affamés ; et peut être leurs grands-pères leur avaient ils raconté comme il est aisé de s'emparer de la terre d'un homme indolent quand on est soi-même affamé, décidé à tout et armé. Les propriétaires les détestaient. Et dans les villes et les villages, les commerçants les détestaient parce qu'ils n'avaient pas d'argent à dépenser."

"Dans l'âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et murissent, annonçant les vendanges prochaines."

 

Ce roman fait partie du Matilda's Contest et du challenge des Nobel 2011 (John Steinbeck a obtenu le prix Nobel de littérature en 1962).

Matildacopie1      Challenge_des_Nobel

 

Éditions Folio (juin 2001)
640 pages
Traduction de Marcel Duhamel et M.E. Coindreau

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Commentaires
R
Ce livre est un chef-d'oeuvre. L'auteur a su depeindre les nuances sociales,politiques,economiques et les traits de caractere des gens de l'epoque de la grande depression avec une telle finesse!.En plus on peut sans grand peine comparer cette periode a la decenie 2000-2010, a travers cette oeuvre Steinbeck est jounaliste,peintre. Ce n'est pas un hasard qu'il ait recu le prix Nobel de litterature.Sans grand peine je le retrouve a travers Rosaharn, une espece en voie d'extinction,un humain.Jhon Steinbeck et Alexandre Dumas sont mes auteurs preferes.Salut
M
Ton commentaire me donne vraiment envie..
B
J'avais beaucoup aimé Des souris et des hommes et il faudrait vraiment que je le lise. Allez, c'est pour 2011 ^^
J
@ Philippe D : Je n'ai moi non plus jamais apprécié les lectures imposées. Néanmoins, même si je garde un souvenir plutôt mitigé de certaines, d'autres m'ont permis de découvrir des auteurs vers lesquels je ne me serais pas forcément tournée. Et cela aurait été très dommage. <br /> Et Steinbeck fait partie de ces auteurs.
P
Je crois que j'ai lu ce livre il y a bien longtemps quand j'étais à l'école mais je ne m'en souviens plus du tout.<br /> J'ai tendance à laisser de côté les auteurs qu'on propose dans les écoles. Le principe du livre obligatoire ne m'a pas beaucoup plus.<br /> J'ai donc laissé tomber les Cesbron, Troyat, Hugo, Zola et compagnie.<br /> Peut-être un jour, quand je serai guéri (!), je revisiterai les classiques.<br /> Bon dimanche.
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